Prologue - A l'ombre des siècles

C'est en Vodacce, dans la province Mondavi, que tout commença. Plus précisément, aux abords de la ville de Capistano, près du manoir du comte Guiseppe di Capistano, au pied du chêne centenaire qui ombrage les environs de son opulente ramure. L'été touche à sa fin, et la fête des Moissons bat son plein.

Trois individus qui ne se connaissent pas et que rien ne lie excepté la rose qu'ils portent à la boutonnière se retrouvent au pied de cet arbre, tous répondant présents à un mystérieux rendez-vous orchestré par un correspondant anonyme. Il y a Alessandro Di Villanova Damasco, un prometteur comte Vodacce, accompagné de son fidèle valet Micheletto, dont la ruse est déjà fort bien affûtée en dépit de sa jeunesse. Damian del Acedo, un simple don errant, est présent également. L'air droit et fier, l'oeil brûlant d'une lueur de défi, l'âge n'a en rien adouci le caractère passionné de ce Castillan d'âge mûr. Enfin, Abelard Rollenhagen, un érudit Eisenör aussi intelligent que circonspect, complète le trio.

Les trois possèdent chacun une lettre écrite de la même main, dont le contenu présente des similitudes. Que ce soit par le chantage ou l'appât du gain, l'anonyme expéditeur qui connaît décidément bien des détails et secrets de leurs vies respectives les a convié à un même rendez-vous ... sans s'y rendre lui-même.

Après diverses péripéties mettant en scène la belle Soraya, lanceuse de couteaux d'un cirque Cymbri, ainsi que le fourbe et brutal Amaury Hardy de Baillancourt, officier montaginois ayant a priori une très forte rivalité avec Damian del Acedo, les trois héros achèvent la soirée avec les convives de marque, dans le jardin du manoir du comte. Là, ils sont abordés par le sombre et inquiétant vicomte Sandro di Tessino. Il leur parle en termes très mystérieux dont ils ne comprennent qu'une chose, c'est qu'il est d'une façon ou d'une autre lié à celui qui a orchestré leur rencontre. Et lorsqu'il leur propose de négocier pour qu'ils ne divulguent pas un secret sur son compte qu'ils posséderaient, ils le prennent au mot et feignent d'entrer dans son jeu, quoi qu'ils n'aient pas la moindre idée du secret dont il est question. Avant de se retirer, di Tessino les invite pour le lendemain midi à Castelfranco, dans son fief voisin, afin qu'ils puissent parler en privé des détails.

Se rendant à Castelfranco, le trio répond favorablement à l'invitation de Sandro. Mais seul le Castillan, grâce à la sagesse des années, a la prudence de se méfier de son hospitalité. Hélas, cela ne sera pas suffisant. Car même s'il est le seul à ne pas sombrer dans les bras de Morphée à cause du soporifique qui agrémente le vin, il n'a d'autre choix que de se rendre, ne pouvant se résigner à risquer la vie de ses nouveaux amis, qui sont à la merci du vicomte.

Ils finissent donc dans les geôles du palais du vicomte, et ce n'est qu'une fois qu'ils sont confortablement installés dans la salle de torture fort bien meublée de ce dernier que les masques tombent. Sandro di Tessino leur montre une lettre. Une lettre écrite de la même main que les trois qu'ils possèdent, faisant de lui un quatrième élément de cette obscure machination. Mais le trio n'était pas destiné à devenir quatuor. Car la lettre adressée à Sandro lui révèle qu'une conjuration composée d'un certain Vodacce, Castillan et Eisenör que nous connaissons a découvert son plus terrible secret : qu'il est en réalité un Lorenzo par la branche des di Bianco. La lettre précise qu'ils possèdent des preuves ... et qu'ils sont venus dans le but de le perdre.

Les salles de torture ont cela de vicieux que les innocents y souffrent toujours davantage que les coupables, puisqu'ils n'ont pas le loisir de pouvoir avouer quoi que ce soit. C'est cette terrible vérité que découvrent nos trois héros, lorsqu'ils se rendent compte qu'après avoir tenté de duper le vicomte en feignant bel et bien de connaître son secret, ils n'ont plus aucune chance de le convaincre qu'ils sont en réalité tous les quatre les victimes d'un même complot. Surtout qu'ils ont eu la prudence de feindre de confier des documents compromettants à Micheletto, le valet d'Alessandro, qui ne les a pas accompagné dans la gueule du loup.

Mais heureusement, le calvaire est de courte durée entre les griffes de l'ignoble Sandro di Tessino, qui révèle dans l'intimité du sous-sol de sa demeure sa véritable nature d'infâme sadique pervers et dégénéré. Un incendie, orchestré par le providentiel Micheletto, détourne l'attention du vicomte, qui part en laissant imprudemment d'intéressants outils sur la table. Les utilisant à leur profit, les trois héros brisent leurs liens et tentent de fuir ce lieu de désespoir. Mais en se frayant un chemin jusqu'à la sortie du palais, ils tombent sur Sandro au beau milieu d'un grand palier, accompagné de deux de ses hommes de main, orchestrant le sauvetage de différents documents de son bureau, menacés par les flammes.

Le combat est inévitable et s'engage entre eux. Damian del Acedo, le meilleur escrimeur du trio, engage Sandro, tandis que ses deux compagnons se chargent des hommes de main. Alessandro Damasco di Villanova, éprouvé par le supplice dont il a été victime, a le dessous, mais il est épaulé de son pragmatique allié Eisenör, qui préfère l'efficacité à un quelconque honneur, et n'hésite pas à utiliser son pistolet. Finalement, ils défont les deux sbires, tandis que Sandro s'enfuit dans les méandres de sa demeure. Se lançant à sa poursuite, Damian laisse à Abélard le soin d'aider le jeune Alessandro à s'enfuir du palais en flammes.

Il le rattrape finalement sur un balcon, et l'affronte en un ultime duel au pinacle de son palais. Mais toute la ruse et la vilenie de di Tessino ne peuvent rien face à l'ardent Castillan, qui l'envoie dans le vide d'une touche salvatrice de sa rapière. Après une chute de trois étages, Sandro di Tessino n'est plus qu'un pantin désarticulé sur le pavé de la grande place de Castelfranco ... et Damian se rend compte qu'il vient, aux yeux des centaines de badauds présents sur place, d'assassiner leur vicomte après avoir mis le feu à sa demeure.

Le trio arrivera finalement à s'enfuir de Castelfranco. Mais même s'ils ont survécu pour l'instant à leurs épreuves, ils viennent de s'empêtrer durablement dans la toile du Grand Jeu. Aux yeux de tous, ils sont coupables d'avoir assassiné un noble Mondavi et d'avoir incendié sa demeure. Ils n'auront d'autres choix, s'ils veulent laver leur honneur, que d'aller au nord, dans la petite ville d'Ardea qui a vu naître Sandro di Tessino, et dont les registres de l'évêché peuvent prouver sa terrible ascendance. Sans compter qu'ils ignorent encore tout de celui qui les a réuni via ces mystérieuses lettres, a manigancé le complot impliquant di Tessino ... et qui n'en restera sûrement pas là.